Ohashi-Interview

Le maître de Shiatsu Wataru Ohashi : un pont entre l’Orient et l’Occident

Wataru Ohashi est un des célèbres maîtres japonais qui ont propagé le Shiatsu dans le monde entier et influencé de manière déterminante le Shiatsu moderne. Né au Japon, il s’est installé aux États-Unis en 1970, où il a fondé l’Institut Ohashi. Maître Ohashi enseigne le Shiatsu aux thérapeutes du monde entier et viendra en Suisse ce printemps.

Monsieur Ohashi, vous pratiquez le Shiatsu depuis déjà plus de 50 ans. Faites-vous encore régulièrement des traitements ? Environ combien par semaine ?

Oui, bien sûr, je continue à donner des traitements quand je suis disponible. J’aime toujours ce que je fais. Cependant, je vis maintenant dans un petit village et je n’ai plus de salle où donner des traitements. Parfois, je me rends personnellement au domicile de mes client-e-s. Cela veut dire que je ne donne pas régulièrement de traitements et que certaines personnes doivent attendre longtemps.

Pourquoi ne vous en lassez-vous pas ?

J’ai développé ma propre méthode, le Ohashiatsu®, pour ne pas me fatiguer, pour ne pas endommager mon corps. Je mesure 1m59, l’Américain « moyen » mesure environ 1m80 et pèse jusqu’à 120 kg. J’ai dû développer un style qui ménage mon corps et je choisis mes client-e-s. En d’autres termes, je ne traite pas les personnes qui ne me conviennent pas. Par conséquent, j’aime ce que je fais, c’est pourquoi je ne me fatigue jamais.

Aviez-vous des client-e-s « typiques » au début de votre activité ?

Au début, je m’étais spécialisé uniquement dans les problèmes du bas du dos − principalement chez les danseur-euse-s. Pour me préparer aux traitements, je regardais leurs performances avant qu’ils ne viennent me voir pour que je traite leurs douleurs lombaires. Ensuite, j’ai commencé à les observer pendant les répétitions, puis j’ai moi-même suivi des cours de danse classique afin de comprendre encore mieux ce qui se passait dans leur corps.

Depuis, ma technique a beaucoup évolué, étant donné que ma clientèle a elle aussi changé. Aujourd’hui, les troubles sont devenus beaucoup plus complexes, surtout au niveau psychologique. J’ai la chance d’avoir étudié la médecine et le diagnostic orientaux, le système des méridiens, les Cinq Éléments, le Ki et la théorie du Yin et du Yang. Je trouve que l’approche de la médecine orientale est vraiment appropriée à notre époque.

Soignez-vous les maladies ou travaillez-vous plutôt avec les aspects sains d’une personne ?

Bien sûr que je traite les maladies, surtout chez les personnes qui ne me croient pas. Par exemple, en cas de problèmes dans le bas du dos : après avoir consulté un médecin, un physiothérapeute, un naturopathe, etc., la situation ne s’est peut-être pas améliorée et elles estiment avoir besoin d’une autre approche. Leur dernier espoir est peut-être le Shiatsu. Je me dois de leur offrir un traitement de haute qualité afin de soulager leurs douleurs, même si ce n’est que temporairement. Ils ne pourront me croire et me faire confiance que si je prouve ma capacité à soulager leurs douleurs. Ce n’est que dans l’objectif d’éviter la récurrence de leurs problèmes de dos et d’améliorer leur santé que je leur demande de revenir régulièrement.

 

Contexte culturel

Dans quelle mesure les thérapeutes de Shiatsu doivent-ils avoir une compréhension du contexte culturel du Shiatsu pour être de bon-ne-s praticien-ne-s ? Qu’en est-il des client-e-s, doivent-ils avoir une connaissance de ce contexte ?

Les thérapeutes peuvent donner de bons traitements de Shiatsu sans aucune notion de la culture orientale, car le Shiatsu est un « travail corporel ». Les personnes qui reçoivent n’ont pas non plus besoin de connaître le contexte culturel du Shiatsu. Toutefois, si les fondements du Shiatsu sont compris, la pratique s’en trouvera enrichie et un plus large éventail de client-e-s viendra consulter. Si les client-e-s connaissent le contexte culturel du Shiatsu ou de la médecine orientale, ils peuvent alors mieux comprendre ce qui est proposé. Cette attitude de part et d’autre conduit à plus de confiance et de respect.

Prendre soin de soi

Comment impliquez-vous vos client-e-s dans leur processus de guérison ?

Vous me demandez si je suis impliqué dans le processus de guérison d’un-e client-e. C’est une question difficile à répondre. Ma thérapie, mon travail, est très subjectif. Le traitement que j’effectue a un but précis − je souhaite aider la personne, soulager sa douleur, et elle mérite mon meilleur traitement. Au final, il se peut que je n’arrive pas à la guérir, mais elle reviendra parce qu’elle est sensible à mes soins. Je pense que je mets davantage l’accent sur les « soins » que sur la « guérison ». En d’autres termes : J’ai fait le choix d’un monde « sociétal » (guérison), mais je suis dans une relation « communautaire » (soins).

Une alimentation saine, un sommeil réparateur, des relations nourrissantes, de l’exercice physique, prendre soin de soi… Si nous devions choisir, quel est le facteur auquel nous devrions porter le plus d’attention et pourquoi ?

À aucun de ces facteurs. Lorsque je fais mon traitement, je m’intéresse surtout au « dévouement » de la personne à sa vie. Si une personne n’a pas de dévouement, même les autres méthodes de santé ne donneront pas de bons résultats. J’essaie avant tout de ressentir cet engagement et de savoir si la personne est tournée vers l’avenir. Quelle que soit la qualité du traitement que l’on donne, cela ne sert à rien si la personne n’a pas d’enthousiasme pour sa vie.

Quelles sont les recommandations que vous donnez le plus souvent à vos client-e-s ?

Les client-e-s ont besoin de différents soutiens − le Shiatsu, l’exercice physique, l’alimentation, la méditation, etc. Je dois choisir la bonne recommandation au bon moment.

Les thérapeutes doivent se rappeler de ne pas donner ce qu’ils ont envie de donner, mais ce que la personne qui reçoit a besoin de recevoir, et pour cela, il faut développer une bonne sensibilité. Ils doivent continuellement apprendre, acquérir davantage de techniques et poursuivre leur pratique pendant de nombreuses années afin de développer ce genre de sensibilité.

Entretien: Andrea Pfisterer

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